Pendant des années, la compétence a été pensée comme un attribut fixe : on « détient » une compétence une fois pour toutes, on peut la cocher dans un référentiel, la valider dans une certification.
Cette vision statique a conduit les entreprises à réduire la compétence à une suite de tâches hyper-contextualisées, faciles à mesurer mais fragiles à la moindre évolution.

Résultat : des salariés qu’il faut sans cesse reformer, des plans de développement coûteux, et une inadéquation croissante entre emplois et profils. C’est ce que l’on peut appeler la logique des compétences jetables.

Compétence jetable : la dérive des référentiels

Prenons l’exemple d’un cuisinier.
Dans un référentiel de compétences détaillé, on peut lire des items comme :

  • « Ranger et ordonner les produits d’entretien »

  • « Mettre en place les containers différenciés »

  • « Évacuer les déchets en tenant compte de leurs caractéristiques »

Ces énoncés ne décrivent pas une compétence, mais des tâches précises. Le problème ? Dès que le contexte change (par exemple, un logiciel de gestion des déchets apparaît), ces « compétences » deviennent obsolètes.
Le professionnel doit alors être formé à nouveau, comme si ses savoirs précédents n’avaient aucune valeur.

Cette logique enferme l’entreprise dans un cycle sans fin : former, reformer, adapter, corriger. Une consommation de compétences qui épuise à la fois les collaborateurs et les budgets formation.

Compétence jetable la dérive des référentiels

Crédit photo : création Canva

La compétence comme être vivant

À l’inverse, envisager la compétence comme un objet vivant change tout.

  • Elle naît d’un socle de savoirs, de méthodes et de postures.

  • Elle se développe quand elle est sollicitée dans des situations variées.

  • Elle meurt ou s’étiole si elle n’est jamais mobilisée ou adaptée.

Toujours avec l’exemple du cuisinier :
S’il maîtrise les règles d’hygiène, la logique d’organisation, et qu’il est familiarisé avec les outils digitaux, il saura spontanément transposer ces acquis à la nouvelle situation (utiliser un logiciel de tri des déchets).
On voit alors apparaître une nouvelle « compétence-fille », issue de compétences-mères robustes.

C’est cette logique d’évolution, de transformation et d’adaptation qui rend une compétence réellement durable.

Former à des compétences durables

Penser « compétences durables » impose un changement de paradigme pour les Directions L&D, les RH et les pouvoirs publics.

Trois leviers principaux :

Favoriser les apprentissages profonds : Aller au-delà des micro-formations « flash », et miser sur les fondamentaux d’un métier ou d’un domaine. Développer des socles de connaissances solides, sur lesquels les professionnels pourront construire.

Construire des environnements de travail apprenants : La compétence ne se développe pas uniquement en salle de formation, mais surtout au contact des situations réelles. Les équipes doivent pouvoir expérimenter, échanger, se tromper et progresser.

Valoriser l’apprenance : Reconnaître et encourager la capacité à apprendre en continu. Cela suppose de soutenir les démarches individuelles de veille, de test & learn, et de mettre en avant l’évolution des compétences autant que la performance immédiate.

Former à des compétences durables

Crédit photo : Canva IA

De la logique jetable à la logique durable : un enjeu stratégique

Former à des compétences durables, ce n’est pas un luxe.
C’est une condition de survie pour les organisations dans un environnement mouvant : évolutions technologiques, mutations des métiers, transformations organisationnelles.

La vraie question n’est plus :

  • « Quelles compétences devons-nous transmettre aujourd’hui ? »

Mais :

  • « Comment permettre à nos collaborateurs de développer en permanence de nouvelles compétences demain ? »

Conclusion

En tant que formateur et consultant en marketing digital, je constate chaque jour que ce basculement de logique change la donne.
Les organisations qui investissent dans la durabilité des compétences construisent un avantage compétitif fort : des collaborateurs capables de s’adapter, d’innover et de rester employables dans le temps.

À l’inverse, celles qui persistent à penser la compétence comme un produit jetable s’exposent à une obsolescence accélérée de leurs forces vives.